Une vision libre, démocratique, et sociale, de notre société
Depuis une vingtaine d’année s’est mise en place une idéologie qui se cache sous le nom de Néo-libéralisme, et qui prône une libéralisation accrue, une réduction de l’état à sa plus simple expression, en arguant d’une efficacité bien meilleure pour le bien commun.
Cette idéologie, mise en place par Thatcher en Angleterre, puis par Reagan et les Bush aux USA, est à présent mise en place en France, d’abord de manière discrète sous Chirac, puis plus évidente par Sarkozy, et est souvent taxée d’inefficacité par l’opposition. Il n’en est rien : elle est très efficace, pour ses objectifs réels et non ceux qui sont affichés.
Cette idéologie mériterait mieux le nom de Néo-Féodalisme, puisque ses objectifs sont de mettre en place un nouveau féodalisme, en créant une nouvelle « aristocratie », qui se répartit tout ce qui génère du profit, cassant de fait les lois du marché en créant des trusts, en opacifiant le marché.
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Pourquoi cette appellation « Néo-libéralisme » ne convient pas ?
L’appellation « Néo-Libéralisme » est séduisante. Libéralisme est un terme porteur (sous entendu de liberté), encore plus quand il est complété par le terme de Néo (nouveau, qui n’est pas attiré ?), plus avenant qu’Ultra (parfois utilisé).
D’ailleurs, le libéralisme, avec ses qualités et ses défauts, a prouvé son efficacité (et ses travers)… et ses limites. Par exemple aux USA, où cette idéologie économique est un fondement même de la nation, avec une efficacité certaine et évidente, mais aussi avec quelques défauts (systèmes sociaux et de santé).
Mais une économie libérale est basée, depuis Smith (donc le XVIIIème siècle : ce n’est pas nouveau), sur une économie de marché LIBRE et NON FAUSSEE (de là l’essence même de l’appellation « libéralisme »... Et c’est là que le bât blesse !
Car le « Néo-libéralisme » dont nous parlons ici ne respecte pas (c’est même sa principale caractéristique) ces deux aspects !
En effet, ces Néo-libéraux, unanimes pour refuser à l’Etat toute incursion dans la réglementation des marchés, les contrôles des abus (parachutes dorées), par exemple, sont par contre toujours d’accord pour re-nationaliser les banques et entreprises en très grandes difficultés (comme cela se voit ces derniers temps en Angleterre (qui pourtant présentait cela au temps des privatisations comme certains auraient parlé de l’antréchrist) et aux USA), évitant à ceux qui avaient profités des temps de veaux gras de perdre trop ! Aux dépens de l’Etat ! Voici donc pour le Marché libre, c’est à dire sans aucune intervention.
Quand au Marché non faussé, comment en parler quand, par exemple, le marché de la téléphonie, le marché des médias, entre autres, sont volontairement restreints ? Comment en parler quand aucune loi antitrust ne vient éviter des dominations évidentes du marché, comme par exemple les ententes illicites (et pourtant réelles) sur les tarifs entre les 3 seuls opérateurs de téléphonie mobile en France (déjà condamnés d’ailleurs) ?
Autre exemple, encore plus frappant : l’OMC oblige les pays pauvres à ouvrir leurs frontières, pendant que les pays riches trichent, subventionnant leurs produits (Coton, par exemple), et empêchant les pays pauvres d’être alors concurrentiels. Un comble, pour du soi-disant libéralisme ! Par contre, très logique dans le cadre de féodalisme !
Non, si l’on s’en tient aux résultats obtenus par rapport aux discours et aux objectifs annoncés, et qu’on les confronte aux faits, les néo-libéraux sont peu efficaces, plein de contradictions dangereuses, voire de franches maladresses. Ce qui n’est pas logique par rapport aux compétences de ceux qui les portent.
Pourquoi l’appellation « Néo-Féodalisme » convient beaucoup mieux ?
Parce que, si l’on intègre que leur doctrine est clairement féodale, c’est à dire qu’une élite s’autorise de se distribuer les richesses que l’ensemble produit, en maintenant une partie de la population en servage, les comportements s’éclairent. Et les raisons deviennent évidentes : servir une élite, qui se met en place pour gouverner un monde fermé, comme l’était la Chine médiévale. Et, là, les pseudo-néo-libéraux mais vrais néo-féodaux sont au contraire vraiment hyper efficaces ! Bien sûr, leur doctrine réelle est non avouée ! Comment leur en vouloir ? Qui voterait pour eux s’ils annonçaient : « on est là pour se servir, nous et nos copains, aux dépens de l’Etat et des citoyens » ?
Passons, à ce propos, sur l’évident exemple de l’arrivée politique de Jean Sarkozy dans le fief de son père, tellement outrancier qu’il montre surtout que le Néo-Féodalisme est déjà vraiment bien installé, et sûr de lui : on ne va pas se gêner, tout de même !
Mais regardons d’autres exemples.
Le cas des autoroutes est fort parlant. 20% de rentabilité ! Voilà des autoroutes que tous les français ont payées pendant près de 40 ans, et qui, au moment où elles sont rentables, sont vendues. Que diriez-vous d’un père de famille qui vendrait 100 000 euros une rente de 20 000 euros par an à vie ? Il solderait en une fois ce qui lui rapporterait la même somme tous les 5 ans ! Les autoroutes, vendues 12,8 milliard d’Euros en 2005, rapporteraient chaque année 2,6 milliards d’euros ! Soit 7,8 milliards depuis 2005 ! Si ce n’est pas tuer la poule aux œufs d’or, ça ! Sûrement pas un bon gestionnaire, si ?
Par contre, un baron qui reçoit des terres lui assurant ces rentes prises sur une conquête par son ami le prince, cela s’est vu si souvent, à cette bonne époque féodale !
Autre exemple ? Pénalisation de France Télévision (bien commun) pour permettre à Bouygues de rehausser la valeur de TF1 en perte de vitesse, pour lui permettre de bientôt le vendre mieux pour mettre la main sur Areva via Alsthom.
D’autres indices forts viennent corroborer ce Néo-féodalisme.
- « Pipolisation » de nos hommes politiques, de plus en plus montrés comme l’étaient autrefois les monarques, avec grande complaisance de part et d’autre.
- Création de castes, puisque maintenant les grandes écoles (ENA en tête) perdent leur mixité sociale au profit des enfants de cadres, et que cela ne va pas diminuer avec l’augmentation considérable des frais de scolarité post-baccalauréat. Et placement des enfants : exemple de Jean Sarkozy.
- Diminution et parfois abolition des droits de succession permettant la transmission filiale des biens, comme au Moyen-âge. Maintenant, avec les droits de succession réduits, il est facile à un jeune bien né de posséder un pécule suffisant pour assurer de bons revenus. C’était le fonctionnement de l’Angleterre Elisabéthaine…
- Dernièrement, même sortie d’un livre ventant le droit néo-féodal…
- Et création de murs protégeant les « riches » des pauvres (mur à la frontière USA-Mexique, et Israël-Palestine), comme antan les châteaux forts…
Quels sont les moyens mis en place pour faire accepter à la population cette situation ?
Classiques, mais adaptées.
1. Tout d’abord, la peur. Ressort si souvent utilisé, mais toujours aussi efficace !
Ce n’est pas pour rien qu’il n’y a jamais eu autant de faits divers cités aux journaux télévisés, ni dans les journaux. Les images de guerre sont multipliées, de catastrophes aussi. Pour bien convaincre le bon peuple de sa chance d’être moins mal loti. Il suffit de chronométrer le temps passé aux journaux télévisés pour voir le traitement déformé de l’information.
L’insécurité du travail est renforcée, avec un niveau de chômage assez élevé pour que la peur d’être licencié (comme avant d’être jeté hors des fermes pour les serfs) soit suffisante pour que le peuple se taise et obéisse… Et ça marche d’ailleurs bien !
Tout en maintenant d’ailleurs un coût de la vie nécessitant de travailler, avec loyers et nourriture élevés, et accès aux aides nécessitant de montrer sa bonne volonté vis à vis des puissants… Utilisé pendant tout le moyen age, ce système se trouvait encore dénoncé dans Germinal.
2. Ensuite, la mise en place de croyances fortes chez le peuple.
- L’inéluctabilité de l’ordre du monde : comme auparavant les rois l’étaient de droit divin, désignés par Dieu pour régner et protéger le peuple, il est asséné au peuple que le néo-libéralisme effréné est la seule voie possible, inéluctable, et que seuls savent ceux qui est bon pour le peuple les élites. Et cela malgré même les évidences !
- Les émissions télévisées type « Star Académie » et « Ferme des Célébrités » sont, là aussi, utiles pour montrer qu’il faut être choisi, sélectionné, pour pouvoir monter auprès des nantis.
- Les religions qui font leur grand retour ont toujours été fortes et synergiques avec le féodalisme.
- La croyance toujours avancée par les ultra-libéraux est que la gestion public des services publiques est forcément moins bonne que celle du Privé leur donne excuse pour privatiser, alors que la première évidence est qu’une entreprise privée doit faire du profit (de l’ordre de 10%) ce qui n’est pas le cas du Public… Ce qui entraîne à chaque fois soit une augmentation des tarifs à qualité égale (autoroute, GDF, et une mention spéciale pour EDF qui indexe son prix de l’énergie sur celui du pétrole alors même que la France pour éviter cela s’est doté du nucléaire ! Pour le bien des actionnaires…), soit une baisse de la qualité à tarif égal comme nous avons pu le constater (cantines, dessertes SNCF)
3. Enfin, une re-création des castes, qui se soutiennent et se perpétuent.
Les plus flagrantes sont celles des politiques, des énarques, mais aussi des grands patrons qui siègent les uns les autres dans leurs conseils d’administrations réciproques, leur permettant de s’allouer les payes et parachutes dorés si célèbres.
4. Et puis, le pain et les jeux…
La multiplication des championnats de foot, de rugby, la couverture des événements sportifs, apporte autant d’occasions de donner au peuple des jeux, pour rester dans la logique des besoins du peuple recensés par les romains, afin que le peuple se tienne tranquille…
Une preuve de cette volonté Néo-Féodale ?
Une dernière preuve ?
Comment expliquer qu’alors que la récession s’amplifie en France, le gouvernement (qui est dans la continuité du précédent dans lequel la plupart étaient ministres) décide de continuer de briser l’Etat, refuse de soutenir l’économie par des commandes publiques, et continue une logique néo-libérale qui n’a pas fait ses preuves ? La sortie de la crise de 39 aux USA s’est pourtant faite à l’inverse (cf. New Deal).
A l’évidence, il ne s’agit plus d’une dispute droite/gauche classique, mais bien de néo-féodalisme !
Nous ne sommes donc plus dans une lutte entre différents modèles économiques, mais bel et bien dans un risque de changement sociétal majeur, entre un modèle démocratique, imparfait et à perfectionner, certes, mais qui a fait ses preuves, et un modèle féodal qui a aussi, hélas, montré ses méfaits.
JP Jouvenel
23 août 2008